TÉMOIGNAGE DE JEAN CHIODIN
Vers l’âge de 15 ans, lorsque j’ai franchi la porte du gymnase Vaugelas qui servait alors de Dojo (lieu où l’on trouve la voie) pour la toute première fois, j’étais bien loin de me douter que la voie sur laquelle allait m’entraîner l’étude du Karaté était avant tout le chemin caillouteux et chaotique de la découverte de soi, de mes victoires mais aussi de mes limites, de la grandeur de mon esprit et parfois aussi de sa bassesse, de mon courage et de ma couardise, mon humilité et ma vanité…
Ce qui m’intéressait avant tout à l’époque, c’était l’efficacité mais aussi l’esthétique des gestes. J’étais également impatient de retrouver mes camarades au Dojo: Tony, Pierre, Manuze… trois fois par semaine, sans faute, pour 2 heures de Kihons, de Katas, de Kumités, sueurs à profusion et ampoules aux poings et aux pieds garanties.
J’avais parfois l’impression de progresser vite, puis de n’arriver à rien pendant des semaines. Il me semblait aussi que nous nous attardions bien longtemps sur des points de détail. C’est bien difficile d’apprendre la patience quand on est adolescent. Mais la confiance que je portais à cet homme plutôt austère qui nous entraînait était sans faille. Il parlait peu et ne voulait pas qu’on l’appelle Maître ou Sensei. Il exigeait des positions parfaites et une discipline stricte, dans la tradition du Karaté japonais, même si cela devait prendre des années. «Pinan Nidan» pendant 3 ans, ça calme!
Mais grâce à Henri Valentini et les grandes qualités dont il fait preuve, notamment sa droiture et son humilité dans son enseignement du Karaté, j’ai appris que la méthode transforme n’importe quel chemin de vie en une série de petites étapes toujours perfectibles qui, atteintes l’une après l’autre, conduisent vers n’importe quel but. La méthode transcende le temps, enseigne la patience et repose sur les bases solides d’une préparation minutieuse. Elle est l’expression de la confiance dans l’épanouissement de notre potentiel.
Lorsque je suis parti vivre aux Etats-Unis, en 1975, quelque peu désorienté loin de mon club, de mon professeur et de mes amis, j’ai navigué d’un style à un autre. J’ai rencontré des gens sympathiques et j’ai participé à des cours aux «maîtres» exigeants et parfois excentriques. Bien que je n’ai rien à reprocher aux uns ou aux autres, mon Dojo me manquait terriblement. Pour moi, aucun autre club ne lui «arrivait à la cheville». Aucun autre professeur ne pouvait égaler le mien. Et pourtant, les clubs de Chicago, de Washington ou de Los Angeles auraient dû être les meilleurs, non? Et bien non, l’herbe n’était pas plus verte de l’autre côté de la colline (de l’Atlantique), parfois même au contraire.
C’est ainsi qu’avec les encouragements d’Henri Valentini, avec lequel j’entretenais une correspondance régulière, j’ai décidé de proposer le style Wado Ryu, inconnu dans cette région du sud de la Californie, en ouvrant un club à San Diego où je résidais. Une entreprise remplie de succès et couronnée par la joie de pouvoir accueillir notre professeur et quelques uns de ses élèves à deux reprises.
De retour à Chambéry une vingtaine d’années plus tard et même si aujourd’hui mon taux de fréquentation du Dojo a bien diminué, l’enseignement reçu perdure en moi, transposé à la vie quotidienne sous toutes ses facettes. Un équilibre physique, intellectuel et spirituel largement influencé par les 50 années de cette amitié sincère et précieuse avec Henri Valentini.
Merci Henri.